Visite mixte pour enfants sourds et entendants
Animation mixte de trois heures : enfants sourds et enfants entendants
Faire de la différence une source d’enrichissement et veiller à ce qu’elle ne constitue en aucun cas un frein à l’accès à la culture, voilà l’un des concepts chers au Préhistosite de Ramioul.
Forts d’une expérience très concluante avec le public malvoyant (mise sur pieds de l’exposition « Ferme les yeux pour voir la Préhistoire » en collaboration avec La Lumière, conception d’un programme d’animations adapté et d’un dossier pédagogique), il nous tenait à cœur de proposer au public sourd une animation spécifique.
Nos activités s’appuyant énormément sur le visuel et la manipulation, il semblait relativement simple de proposer au public sourd une visite adaptée. Il restait néanmoins une pierre d’achoppement de taille : la communication.
Aucun membre de l’équipe d’animation ne pratiquant la langue des signes, nous avons demandé de l’aide à un organisme externe : l’ASBL SISW, Service d’Interprétation des Sourds de Wallonie.
La visite pilote a été testée par une classe de 3e primaire de l’école Sainte-Marie de Namur, une école accueillant des groupes mixtes d’enfants sourds et entendants.
En se basant sur des expériences précédentes, la visite a été préparée de manière à occuper des lieux suffisamment éclairés, à limiter les temps de parole trop longs et à éviter la superposition de modes d’informations (manipulations et explications simultanées, par exemple). Pour faciliter les représentations et créer une empreinte de la Préhistoire suffisamment solide pour être ensuite exploitée en classe, on s’est focalisés sur une période bien précise de la Préhistoire : l’époque des chasseurs-cueilleurs de l’ère glaciaire, il y a un peu plus de quinze mille ans.
Les moments d’explications ont été préparés à l’avance pour éviter, par exemple, une surabondance de termes non existants en langue des signes. L’interprète chargée de la traduction de la visite est venue s’imprégner du contenu de celle-ci une semaine avant la visite pilote.
Le jour même, la classe est arrivée à l’heure, ce qui a permis aux activités de se suivre à un rythme acceptable en plus de laisser le temps à une bonne introduction.
Contextualiser la Préhistoire
A fortiori avec un public sourd, une bonne mise en contexte est essentielle pour profiter au maximum de la visite.
En guise de préparation, les élèves avaient mis en commun leurs préconceptions concernant la Préhistoire. Les notions classiques d’âge de la pierre et de période très ancienne ont donc émergé rapidement durant l’introduction.
A l’aide d’une grande ligne du temps, la Préhistoire est localisée dans le temps et sa longueur est comparée à celle des périodes historiques.
Après avoir situé dans le temps la Préhistoire et plus particulièrement la période qui nous intéressait, nous avons favorisé les représentations mentales du milieu par la présentation d’un paysage virtuel similaire à ceux visibles dans la Préhistoire. A chaque période ses contraintes…le box climatique présentant l’ère glaciaire avait un problème technique. Nous sommes donc partis d’un paysage virtuel de climat tempéré dont on a gommé mentalement les éléments qui n’apparaissaient pas à l’ère glaciaire.
Les ateliers pratiques
Après avoir planté le décor, place aux gestes ! Cependant, il ne s’agissait pas de « jouer » aux hommes préhistoriques ; il est illusoire de vouloir reconstituer le passé. Les ateliers de pédagogie du geste ont pour but de se rendre compte de l’intelligence technique nécessaire à telle ou telle activité. La pratique fait prendre conscience de notions difficiles à exprimer oralement. Avec ce public déficient auditif, ces moments de « sensations », entrecoupant les moments plus formels d’explications, ont été favorisés.
L’atelier de taille de silex a fait suite à la question : comment l’homme, bien que si mal « conçu » sans armes ni défenses naturelles, a-t-il pu survivre de la Préhistoire à nos jours, a fortiori dans un environnement aussi hostile que celui de l’ère glaciaire ? Nul doute que la fabrication d’outils, générateurs eux-mêmes d’outils plus complexes, lui a été d’une grande aide. Pour se rendre compte de la difficulté technique de la tâche, les élèves se sont essayés à la taille de la pierre.
L’activité était également l’occasion d’aiguiser le sens de l’observation. Le toucher a été sollicité pour apprendre à reconnaître la texture du silex et comprendre, par là même, pourquoi cette pierre a été la plus taillée de la Préhistoire. La vue a permis de déceler les « points faibles » de la pierre, là où le débitage est possible : les angles aigus.
Il n’était pas non plus question de perdre de vue que la taille a un but : la production d’outils. Comprendre que l’intention guide le geste est important pour éviter le stéréotype de l’homme préhistorique brutal et concasseur de pierres. L’outil que les enfants ont dû réaliser devait leur permettre, plus tard dans l’animation, de réaliser une gravure. Une discussion concernant la forme à donner à l’outil dans ce but a précédé la réalisation proprement dite. Vu la difficulté de la tâche, peu de très bons outils ont été réalisés, mais la plupart des enfants ont tout de même réussi à fabriquer un outil suffisamment pointu pour graver.
La réalisation d’outils n’est pas une qualité suffisante pour survivre durant l’ère glaciaire. C’est le feu qui a permis à l’homme de survivre dans nos régions. Durant l’atelier de taille de silex, les enfants avaient déjà remarqué une odeur similaire à celle du feu. Cependant, il a fallu une démonstration d’allumage du feu pour démontrer que deux silex ensemble ne permettaient pas l’obtention d’étincelles chaudes.
A suivi un atelier de tir au propulseur à double but : tout d’abord, refaire un geste essentiel pour consommer de la viande à la Préhistoire et comprendre les stratégies dont devaient user les hommes préhistoriques pour parvenir à leurs fins. Ensuite, découvrir sur des cibles réalistes les sujets qui ont influencé les hommes préhistoriques dans leurs expressions artistiques. Les élèves étaient invités à observer minutieusement chaque animal et à en retracer le contour avec le doigt, de manière à appréhender les caractéristiques de chacun.
Une fois à l’atelier de gravure, les élèves sont entrés dans une démarche artistique telle qu’elle aurait pu se dérouler à la Préhistoire : n’ayant plus leurs modèles sous les yeux, ils ont dû représenter en gravure sur schiste un animal qu’ils avaient chassé, en utilisant l’outil qu’ils avaient précédemment fabriquéL’observation jointe au geste, durant la chasse, a permis de bons résultats, basés sur les souvenirs. Quant à l’explication de la technique, elle s’est résumée à quelques conseils concernant la pression à exercer et les lignes du dessin à ne pas rater (ligne cervico-dorsale). . Ils ont découvert, par la même occasion, une forme d’art régionale puisqu’une gravure préhistorique a été retrouvée près de Dinant.
Qu’il s’agisse de l’avis de l’animatrice, de l’interprète, des enfants ou de l’enseignante, tout le monde semble avoir apprécié cette animation pilote, apparemment prometteuse.
Nous vous invitons à lire dans les commentaires le débriefing de cette journée avec l’enseignante, madame Céline Gobert.